Présence, intentionnalité et ajustement créateur

  • Intentionnalité et “Now-for-next”

Margherita Spagnuolo Lobb (2015, p 28) nous parle d’une intentionnalité de contact du client dans sa tentative de rejoindre le thérapeute et cela se matérialise par ses mots employés. L’intentionnalité du thérapeute dans cette idée du “next” consiste à rejoindre le client et le soutenir en l’aidant à faire fondre cette intentionnalité de contact gelée. Le thérapeute s’utilise comme environnement pour le patient, dans l’ici et maintenant, et régule sa présence à la frontière contact ou bien ajuste son intentionnalité de contact et cela est d’autant plus envisageable en étant présent à l’esthétique de la situation. Cette régulation co-créé Thérapeute/Client sur la base de l’expérience qu’ils ont l’un de l’autre soutien la remise en mouvement pour le client d’une rigidité de contact jusque là source d’un ajustement conservateur. Il peut expérimenter un ajustement cette fois créateur. 

La qualité de présence, en ayant conscience de l’esthétique de la situation, pour le thérapeute devient un formidable soutien dans son intentionnalité de contact pour rejoindre le client.

  • Intentionnalité selon la phénoménologie

L’intentionnalité du thérapeute dans son désir de soigner le client et n’est pas à confondre avec le « next » de la situation thérapeutique. En effet, même si le thérapeute a une attention particulière sur « l’ici-et-maintenant » il doit y avoir aussi une direction à la situation et pour cela il doit avoir foi dans le « next », dans l’idée d’accueillir un état pas conçu auparavant et rendu accessible au client. Nous pouvons parler dans ce « next » d’un possible ajustement créateur. Mais comment faire émerger un état qui transcende les possibles accessibles au client et permettrait de le sortir de cette boucle d’ajustement conservateur, et dans cette idée de reproduire ses modalités de contact enfermants, ses gestalts inachevées. 

Maldiney nous introduit le concept de « transpassibilité » dans cette idée de rendre passible l’imprévisible, et comment cette qualité de présence rend présent cet indicible sans projet d’intentionnalité.  

  • Une présence vu comme « être-là » 

Bouderlique (2001) nous dit : « Heidegger propose le terme d’être-là qui signifie simultanément être — dans un sens éminemment actif et transitif — soi, là, toujours à l’avant de soi-même, en présence, et, être le là du monde qui s’actualise ainsi comme son propre monde, c’est-à-dire que la présence existe le lieu du monde comme son propre lieu. »

La présence est vue comme habitante dans l’ici-et-maintenant dans le pro-jet de son existence. La présence, « l’être-là » s’articule dans l’accomplissement de ce processus de devenir soi-même, dans une ouverture qui est compréhension. 

Bouderlique (2001) nous dit aussi : « Il n’y a pas d’existence qui ne soit com-prendre, comprendre soi et le monde ensemble ». Il faut entendre par « com-prendre » l’ouverture à la possibilité de « l’être-là » à sa possibilisation.

Cette présence, en tant que phénomène, ou plutôt selon cette qualité de présence, revient à exister, à habiter ce monde et dans cette idée de “com-prendre”, de saisir cette ouverture au possible. Incarné pleinement dans cet “être-là”, est la condition par laquelle, sans intentionnalité, nous rendons possible l’imprévisible.

  • Présence, transpassibilité et transpossibilité et relation à l’ajustement créateur

La présence peut être vu comme étant l’ouverture de son propre être à l’incertitude, dans une possibilisation au-delà de ses systèmes possibles, rendant trans-possible cet accomplissement.

Cette qualité de présence en tant qu’étant, à la fois ex-iste et com-prend. De cette transpossibilité, cela permet une forme de rencontre nouvelle, selon les tonalités spatio-temporelle, dans cette relation « je-tu ». Cette ouverture à l’événement permet de « se trouver » comme faille d’un inattendu et dans une forme d’esthétique relationnelle.

Cette ouverture à l’inattendu, à l’incertitude finalement, par cette qualité de présence, va en deçà de tout ce dont est passible cet être-là, en permettant une ouverture au rien, cette trans-passibilité. Bouderlique (2001) nous révèle que l’avènement de ce passible est source de transformation pour l’existant. Dans notre modèle gestaltiste nous dirons que cela permet l’ajustement créateur et la possibilisation thérapeutique.

Pour Bouderlique (2001) : « Seule la transpassibilité, où s’ouvre l’horizon du hors d’attente d’où tout arrive, permet la transpossibilité d’une trans-formation, d’une métamorphose de l’ancien soi-monde en un autre entre radicalement nouveau. C’est seulement grâce à la transpassibilité du soignant que de l’horizon du hors d’attente pourra surgir une transpossibilité thérapeutique ».

C’est cette fluidité à la frontière-contact, une ouverture à l’inattendu dans ce domaine du sensible, dans ce « next », en présence, avec humilité et curiosité qui peut rendre possible dans cette relation thérapeutique un travail soutenant pour le client. Assimiler du nouveau devient un possible dans cette danse  pour envisager un ajustement créateur avec le thérapeute.

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