La posture de coach, une arme à double tranchant pour un coach agile pour mener une transformation agile

Partage d'un parcours de coach agile ...

Introduction

A date, quelles sont les organisations qui peuvent proclamer avoir réussi à se mettre sur le chemin d’une transformation agile. Via des accompagnements de coachs agiles, parfois les organisations se sont complexifiées. Savoir lire un système, une organisation, identifier les douleurs et les axes d’améliorations pour structurer une démarche d’accompagnement. Pouvoir dérouler un accompagnement, et savoir parler à tous les collaborateurs nécessite plus que de simples connaissances d’agilité. Nous avons la conviction que les compétences et les connaissances tirées du coaching professionnel sont un facteur déterminant. Nous croyons que cela permet la réussite de l'accompagnement d'une transformation agile d’une organisation. 

Quelles sont ces compétences utiles des coachs professionnels ? Comment cette posture de coach professionnel contribue-t-elle à l’action du coach agile ? Comment ce mariage entre le coaching agile et le coaching professionnel peut-il bien fonctionner ? Peut-elle être un frein ou une difficulté ? Qu’est-ce qui fait que nous envisageons cela comme une arme à double tranchant ? Serait-ce des éléments déterminants pour le projet de transformation agile ?

Itinéraire d’un coach agile au coaching professionnel

Nombreux sont les coachs agiles se formant à la posture du coach, y trouvant matière pour enrichir leur posture et l'impact de leurs actions sur le terrain vis-à-vis d’une activité d’agiliste. Etre coach est une posture singulière et un métier reconnu pour lequel un parcours de formation permet la professionnalisation et qui s’inscrit dans un parcours d’une vie pour la plupart des coachs qui excellent de part le monde. Être coach agile ne fait pas l’objet d’un parcours certifiant. Cela se fait par des formations ponctuelles ou des apprentissages sur le terrain. C'est une façon de développer des expertises comme la culture produit, le lean, le management agile, l’agilité RH, l’équipe agile, etc.

L'ambiguïté du coach agile

Cette ambiguïté réside dans la nécessité de mettre en action ces expertises de façon collaborative. Cela apparaît via des interactions individuelles ou de groupes et s’appuient sur sa posture. Dans sa façon d’habiter sa posture, cela lui permet un impact notable vis-à-vis du client, du système dans lequel il agit et est agi. Le travail sur sa posture et le développement des soft skills (compétences intra-psychique et linguistique) via un parcours de Coach professionnel est structurant. Quel que soit le modèle, c'est un formidable soutien dans son geste agiliste.

Le geste du coach agile

Le coach agile est un instructeur à deux niveaux autant au niveau du “mindset” que de la méthodologie.

C'est une forme de posture de coach:

  • Une posture haute, il est un sachant.
  • Une posture basse, il ne doit pas imposer. Il suggère.
  • Accompagne le mouvement de la mise en œuvre de l’agilité.

Cette mise en œuvre pourrait être assimilée à une forme d’insight des individus, des équipes ou de l'organisation. 

Les besoins du coach agile

Le coach est systématiquement en interaction. La dynamique relationnelle individuelle ou collective est un élément clé dans sa capacité à mettre en œuvre ce qui est attendu de lui. Dès lors, cette posture se retrouve renforcée ou amplifiée par celle d'être coach professionnel. Et c’est bien cela que les agilistes recherchent.

Distinguo ou disclaimer sur le rôle de coach agile

Il me semble important d’apporter une clarification sur ce que j’entends par coach agile. Je parlerai de consultant-coach agile. C'est celui qui amène pour une organisation une expertise d’agilité dite “à l’échelle”. Il promeut l'agilité et déploie pour le client ce projet de transformation agile au niveau de l'organisation. A contrario, il existe le rôle de coach agile exerçant une activité de delivery agile d’équipe. Il met en œuvre des méthodes agiles au sein d’une ou plusieurs équipes. C’est un rôle de consultant-coach agile dont nous parlerons. Par abus de langage nous l’appellerons coach agile.

Ces compétences du coaching professionnel utiles au client pour le projet de transformation agile

Les compétences du coach professionnel se résument pour la fédération ICF aux 11 compétences suivantes :

  • BÂTIR LES FONDATIONS 
    • 1. Respecter les directives éthiques et les normes professionnelles  
    • 2. Établir le contrat de coaching  
  • CO-CRÉER LA RELATION AVEC LE CLIENT  
    • 3. Construire un climat fondé sur la confiance et le respect 
    • 4. Établir la présence du coach  
  • COMMUNIQUER EFFICACEMENT  
    • 5. L’écoute active 
    • 6. Le questionnement puissant 
    • 7. Pratiquer une communication directe  
  • FACILITER L’APPRENTISSAGE ET LA RÉUSSITE  
    • 8. Élargir la conscience du client 
    • 9. Concevoir des actions 
    • 10. Planifier et établir des objectifs 
    • 11. Gérer les progrès et la responsabilité

Le dénominateur commun : la présence

Ces compétences se résument dans une forme de présence. Il s'agit d’une présence du geste, dans toute son esthétique. C'est une façon d’habiter notre étant-au-monde. Il s'agit d'une présence qui soutient notre expertise à interagir. Cette présence est soutenue par la capacité à incarner le langage. En l’habitant, nous serons en capacité de faire trace dans un signe signifiant plus que dans l’utilisation de mot-outil.

La dynamique de l’interaction individuelle ou collective, pour le coach via sa présence, fait de lui et de son corps un caisson de résonance au non-dit (ligne de champ de la climatique). Cela lui permettra de saisir le sens de la situation. Des reformulations ajustées et des invitations incarnées permettent au client des insights ou des compréhensions. C’est la possibilité pour le client d’agir et faire différemment et peut-être déjouer ses patterns. Nombre de patterns nous enferment et nous empêchent d’agir avec liberté, et nous retrouvons souvent ces problématiques comme source d’objectifs de coaching ou de thérapie. C’est une manière de transcender les possibilités d'un geste enfermé dans ces patterns.

Parallèle avec le déroulé d'une mission de transformation agile

Au cours d'une mission de transformation, nous avons un parallèle avec avec le regroupement de ces compétences. Ce parallèle apparaît dans les différentes étapes que nous déroulons auprès du client :

  • Bâtir les fondations, dans la phase en amont d’une mission lors de la qualification du besoin client, aide dans la structuration de l’offre et la démarche d’accompagnement qui sera contractualisée.
  • Co-créer la relation avec le client amène des compétences utiles pour établir un niveau de confiance et de crédibilité lors des premières étapes. Lors des phases de démarrage, nous avons besoin d'établir les premières rencontres avec le(s) sponsor(s).
  • Communiquer efficacement sert dans les phases de prise de contexte ou d’assessment. Nous sommes en mesure de faire des feedbacks sans complaisance sur la situation de l’organisation et d’amener les bons questionnements à avoir pour une prise de conscience de la situation de l’organisation.
  • Faciliter l’apprentissage et la réussite, dans la phase de mise en œuvre du plan d’actions du projet de transformation, cela permet de soutenir l’action du coach dans la possibilisation des progrès de l’organisation résultant de l’accompagnement.

Les connaissances de différents modèles d’accompagnement utiles

Un client qui va interagir avec ce coach pourrait parfois être perdu dans la compréhension de sa démarche. Pour l’un comme pour l’autre, les connaissances théoriques ou expérientielles sont essentielles. Plus elles sont variées, plus il mène ce projet de transformation de la meilleure façon possible. Les connaissances théoriques, expérientielles et surtout une forme de posture sont essentielles pour le coach agile. Pour le client c’est plus compliqué, il a des biais et a testé beaucoup de choses. Il ne savait peut-être pas comment faire avant d’appeler un coach agile externe.

Les connaissances théoriques nécessaires au coach agile pour son geste de transformateur

De façon très basique, l'approche systémique des organisations peut fournir des éléments de repère. C'est le regard que l'on a et la façon de regarder la transformation d'une organisation. Cette approche donne une grille de lecture pour le coach et une grille de compréhension pour le client. L’approche gestaltiste est au cœur de la capacité d’interagir et comprendre les interactions. Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises interactions. On considère qu'il y a des informations sur ce qui se joue. Un autre aspect important est le langage et la façon dont nous l’habitons. L'approche phénoménologique nous donne des pistes de réflexion. L’approche psychanalytique nous invite à être attentif aux phénomènes de transfert et de contre-transfert. Ce sont des processus inconscients à l'œuvre chez le coach et le client. Il existe bien d'autres modèles que nous n'explorerons pas dans cet article.

L’approche systémique des organisations

Un système est défini par celui qui observe, l’observateur fait partie du système. Ils ont une frontière, naissent, meurent, et ont des échanges avec l'environnement. Cela s’inscrit dans un processus temporel qui a une finalité et des rythmes propres.

Un système est régit par 3 lois :

  • Équifinalité : des conditions initiales différentes peuvent générer le même résultat
  • Homéostasie: tout système est doté d’un phénomène permettant une stabilité dynamique
  • Totalité : le comportement d’un système ne peut se déduire de la somme des comportements individuels des éléments le composant

La causalité n’existe pas (équifinalité). Chaque élément d’un système représente à la fois lui-même et le tout du système (totalité). Le tout est dans le tout. Intervenir localement entraîne que l’ensemble du système est accompagné.

Une approche autour de quatre piliers

  • La cybernétique : c’est l’étude des phénomènes par observation rigoureuse, et s’intéresse à la régulation des systèmes. Le système est une boîte noire. On déduit le fonctionnement de l’étude de ses entrées et sorties. 
    • Le feed-back donne une information en retour sur l’état
  • L’écologie de système : tout n’est pas explicite et compréhensible.
    • Tenter de saisir la globalité de la complexité d’un système se fera dans tout ce qui émerge. Cela parlera de cette complexité d’entièreté. 
  • L’approche de la complexité : façon de voir le monde et de modéliser la réalité. La complexité appartient à l’observateur. En tant qu’observateur, on embrasse ensemble (avec le système) la complexité de celui-ci. Nous n'essayons pas de l’objectiver indépendamment de l’observateur.
    • Il y a deux façons :
      • Simplification du compliqué : en écoutant l'expérience et en essayant de comprendre et d’analyser chaque morceau.
      • Réduction de la complexité : en dépliant l’expérience et en essayant de parcourir l’ensemble du territoire pour pouvoir le réduire.
  • Le pilotage de système complexe : plus un système est varié, plus le système qui le pilote doit l’être plus encore. La performance d’une organisation est sa diversité. La variété et la diversité permettent d’augmenter les niveaux de possibilité d’homéostasie possible. Le coach peut transformer si, il a plus de variété que le système lui-même.

L’approche gestaltiste

Ce modèle nous invite à explorer et mettre en conscience ce qui se passe dans le “non-dit”. C'est une manière de développer notre intelligence relationnelle. Les interactions avec les personnes se font avec ce que nous sommes :

  • notre histoire passée, ce qui se passe dans l’ici et maintenant et nos intentions futures
  • notre subjectivité et notre perception

Cette approche relationnelle nous invite à être attentif à nos interactions avec les individus et les collectifs.

Gestalt” signifie forme, appliquée à la relation. Ce modèle se concentre sur la forme que prend la relation entre deux personnes. De façon plus générale, il s'agira de la relation entre un organisme et son environnement. Ce modèle regarde et travaille sur la relation, la forme du contact et l’esthétique de celui-ci.

Une relation est décrite comme : s’inscrivant dans la durée, étant le lien entre deux organismes ou entre un organisme et un environnement. C’est la base nécessaire à la croissance. Nous sommes en permanence en relation et nous existons par la relation.

Le contact

Un contact ou un mouvement de contact est ce qui advient dans la relation. Il s’inscrit dans “l’ici et maintenant”. Nous avons tous une façon singulière d’entrer en contact. Il existe des mécanismes de régulation du contact pouvant le perturber ou l’interrompre. Notre mouvement de vie : croître, grandir et progresser, est réalisé par ces mouvements. Ils sont à l'œuvre dans nos rencontres.

Le contact s’établit en 4 phases

  • Le pré-contact (ex: “bonjour”), 
  • La mise en contact (quand on démarre une discussion), 
  • Le plein contact lors d’un instant privilégié où l’on est en “phase”, 
  • Le post-contact (ex : “au revoir”) associé au processus d’assimilation et de retrait. Cela peut donner lieu à un processus d’assimilation.

Le coaching a pour objectif de rendre fluide le contact dans la relation. On prend conscience de nos modalités d’ajustement dans un premier temps. Puis par la répétition, on apprend de nouvelles façons d’entrer en relation. Nous appelons cela un ajustement créateur à la situation.

Une approche phénoménologique

De façon très bref, cela nous invite à être attentif à plusieurs aspects. En tant qu’être-au-monde, nous sommes attentifs à comment nous pouvons habiter notre language. Dans un processus de transformation, nous regardons comment transcender les possibles. C'est permettre un “dé-passement” des possibles dans une trans-possibilité (cf. Maldiney). Heidegger nous propose d'incarner la parole, dans une parole parlante. faire trace dans un signe signifiant, pour permettre au dasein de l’entre-deux d’exprimer pleinement une esthétique de l’étant.

Une prise de recul nécessaire pour réussir un projet de transformation

Pour le client et le coach, ces différents modèles nous amènent un questionnement avant d'agir.

  • Comment souhaitons-nous exister dans le système ? et construire notre départ du système ?
  • Comment allons-nous déplaire au client ? ou savoir confronter le client ?  
  • Pourquoi souhaitons-nous faire cette action ?
  • Pour qui voulons-nous faire cette action ? Est-ce pour nous ? ou Est-ce pour le client (équipe ou autres) ? ou pour le système ?
  • Quel impact aura notre action une fois celle-ci réalisée ? dans le système d’une part ? et au regard de la cible à atteindre ?

Dans une transformation, le risque d’amener une complexification ou poser des actions avec peu d’impacts, existe. Ce risque provient du coach. Son impulsivité, son envie de rester chez le client, faire plaisir, faire des actions, peut l'inciter à agir. Ce questionnement amène un temps de réflexion avant d’agir pour identifier l’impact que l’on veut dans le système du client. C'est une façon de favoriser un processus de transformation.

Etre coach professionnel peut être à double tranchant pour réussir une transformation

Ici, nous exprimons dans cette idée de “double tranchant”, l'idée d'aide et un impact "négatif" sur notre action de coach agile. Cette posture nous invite à ne pas être dans l’impulsivité ou de réagir aux demandes clientes et des équipes. Pour le client, cela peut être interprété comme un manque de réactivité. Cela peut être perçu comme une non réponse à ses besoins. Une autre difficulté serait d’être trop différent. Ce serait d'exprimer une forme d'étrangeté due à cette posture. Pour le client, c'est perçu comme trop différent de lui ou de la représentation qu’il a d’un coach agile. Pour pallier à ces difficultés, un dispositif de supervision pourrait mettre en évidence ces difficultés. Dans cet espace, travailler dessus permettrait de contrecarrer l’impact vis-à-vis du client et sur son projet de transformation.

Des difficultés peuvent émerger du dispositif de mission si les consultants sont trop disparates. Ce serait une impossibilité de fonctionner harmonieusement et ajusté à la situation du client. Cela peut se produire, lorsqu'un coach possède des compétences de coach professionnel, et est marginalisé. Il se retrouve trop différent, incompris ou mal compris, des autres coachs agiles du dispositif. Le projet de transformation se trouverait négativement impacté. Un dispositif de supervision permettrait d’agir là dessus.  

Conclusion

Être coach professionnel amène sur des terres peu fréquentées. Ces prairies-là sont riches d’expériences. Pour celui qui ne les connaît pas, c’est source d’étrangetés .Il y a nécessité de quelques clarifications.

Pour favoriser la réussite du projet de transformation, indéniablement, des capacités de ses postures de coach professionnel sont nécessaires comme :

  • Avoir une lecture systémique de l’organisation,
  • discerner les actions utile, dans une capacité de faire trace pour soutenir le processus de transformation,
  • des actions chirurgicales à fort impact,
  • des capacités d'interactions avec tous les acteurs du système,
  • Une empathie qui permet des relations dans une ouverture favorisant le dialogue,
  • Un langage habité et dénué de distraction
  • On s'exprime par le “je”. On évitera le “on” ou le “nous”.

Ces aspects rendent possible la prise de risque. Parfois nécessaire pour amener de la nouveauté dans le système. Un autre risque, source de difficultés ou d'échecs aux projets de transformation, est la complexité amenée dans le système par les coachs. Nous voyons une ambivalence dans ces apports. La réussite est favorisée. C'est un risque pour complexifier l'organisation. Les coachs qui ne possèdent pas ces compétences-là amènent ce risque.

Et pour aller plus loin …

La valeur que nous voyons à cette supervision concerne la possibilité de mieux réussir le projet de transformation du client.  Cela permet de déployer un espace pour minimiser les risques de cette complexité ajoutée. Dans cet espace encadré, c'est la capacité d’un développement accéléré pour les coachs du dispositif pour de futures missions.

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